Ua Pou (Ph. Lucien PESQUIÉ)On peut à juste titre se demander si le concept de développement durable, déjà galvaudé, toujours flouté, recouvrait une certaine réalité ou n'était finalement que l'émanation fumeuse d'esprits bureaucratiques torturés. Si cette notion semble en effet peiner à s'imposer sur la planète, que dire de son incarnation en Polynésie ?

Ou tout du moins, on pouvait se le demander, jusqu'au moment où le hasard, la chance ou le destin (choisis ton point de vue, camarade) vous mette en contact avec TAMAUAIKI, comité marquisien d'un genre un peu spécial.

Carte géologique d'HakahetauZoomons donc sur cet archipel, et plus précisément sur l'île de Ua Pou et la Commune de Hakahetau. Sous la dénomination du Parc Patrimonial de Hakahetau, sont rassemblés 1 050 ha (l'ensemble du bassin versant de la vallée), sans oublier la clé du succès : ses quelques 230 habitants.

Que cette vallée soit particulièrement bien placée pour son point du vue unique vers l'ensemble des fameux pics de Ua Pou n'y change rien : c'est sur la communauté du village que se fonde la réussite de ce développement. Micro-projets, partenariats et assise sur les ressources réellement développables de la vallée sont en effet à la base de la réussite impressionnante de l'ensemble de ce qu'il n'est plus convenu d'appeler ni un projet, ni une aventure. C'est une réalité.

Qu'on en juge : il eut été possible de mettre en valeur des ensembles architecturaux exclusivement ancestraux du fond de la vallée, mais c'est sur un ensemble accessible  réaménagé relativement récemment en tarodière que le choix s'est porté. Car, tant qu'à faire, autant ne pas relever 3 000 pierres à donner exclusivement en pâture aux numériques touristiques ; il est bien plus judicieux de refaire vivre le "monument" en l'utilisant. Actuellement, la tarodière est plantée par les membres de la communauté qui disposent chacun d'un petit lopin.

Tarodière du Parc d'Hakahetau

Autre exemple : la constitution d'un arboretum, très à la mode, n'est pas ici recluse dans des champs éloignés du village et tirés au cordeau. Non, les variétés vivrières et celles à la base de l'artisanat sont directement plantées à côté des maisons. C'est l'ensemble du village qui devient arboretum... et qui le gère. Pas de risque que la broussaille envahisse l'arboretum.

Les "ateliers relais" qui, à Tahiti sont des locaux mis à disposition à coût moindre pour lancer de nouveaux entrepreneurs, prennent un tout autre sens à Hakahetau. Quatre fois par an, il s'agit ici de véritables passages de relais... de savoir-faire entre les vieux (les tuhuka) et les jeunes. Je ne sais pas pourquoi, ça me semble tout de suite beaucoup plus humain, productif,  et durable comme approche.

Mais la vallée prend aussi l'allure du parc aux milles activités : randonnées, événementiels variés, sports traditionnels (échasses, javelot, lever de pierre, ronde, pirogue artisanale), course de V6 (Te Moka Race) et de V1 (Vaka Ani Race), Raid de la Terre des Hommes, etc. Pas le temps de s'ennuyer ! C'est aussi un des rares endroits en Polynésie (si ce n'est le seul) où on y pratique de l'escalade, qualité des roches des pics obligent. Il s'agit ici d'une niche touristique étroite mais très bien exploitée.

Tout ceci relève d'une œuvre de longue haleine, menée avec une réelle opiniâtreté et une volonté farouche de maintenir le développement dans une rationalité et une réalisabilité étonnante, bien loin des mégas projets irréalistes (sauf aux yeux de leurs promoteurs) auquel nous avons généralement affaire...

Aujourd'hui, le planning de développement de l'association est plein : Journées du vivrier, classement en espace naturel protégé, participation au classement au Patrimoine de l'Humanité, ... Des écueils, bien identifiés, restent encore à lever : en particulier le devenir des déchets, les alternatives énergétiques.

Voir le blog du Parc patrimonial de Hakahetau