Les défenseurs de l’environnement ne peuvent que se réjouir des déclarations d’intention qui ont accompagné l’inauguration des travaux du projet sino-polynésien. Il n’en reste pas moins que la vigilance doit être de mise et que les promesses doivent être appuyées par des actes concrets, en conformité avec les législations qui devront être respectées. Des questions restent encore sans réponse…
Le centre aquacole géant dont les travaux vont désormais pouvoir commencer - L'environnement et la ferme aquacole de Hao : Des promesses ont été faites… (AvA-Infos) pourrait, selon M. Weng Chen, produire à terme 50.000 tonnes de poissons par an*. ”Sa société prévoit en effet de fournir des alevins à des habitants des Tuamotu, qui les élèveront dans de petites fermes aquacoles familiales, à Hao et dans les atolls alentour, avant de les revendre à Tahiti Ocean Foods, qui les exportera“.
- Un centre aquacole géant en construction en Polynésie française (Boursorama)
Ce qui veut dire que des études d’impact devront être réalisées sur TOUS les atolls concernés et anticiper la circulation d’éventuels agents polluants (produits phytosanitaires…) par les courants marins !
- Ferme aquacole de Hao : Tahiti Nui Ocean Foods veut développer son projet vers d’autres atolls (TNTV)
Cette activité aura-t-elle des conséquences sur la biodiversité ? Il faut tenir compte de paramètres comme la température, la conductivité et la saturation en oxygène dans l'eau… Des préoccupations dont il est tenu compte en Europe. D'après les chercheurs, l'aquaculture est le secteur de la production alimentaire qui en ce moment, se développe le plus rapidement dans le monde. D'où la nécessité de renforcer ses performances et sa durabilité.
L'aquaculture européenne face au défi du respect de l'environnement (Euronews.com)
Autre question : des zones de lagon seront-elles interdites aux pêcheurs ? Quid aussi de la pollution déjà présente ? “L'impact environnemental de l'élevage industriel de poissons et les risques de ciguatera pourraient mettre à mal la future ferme aquacole à Hao, construite sur l'ancienne base arrière du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP)“ interrogeait un article de TPM, début mai. Le n° 380 du 4 au 17 mai 2018 du magazine Tahiti Pacifique a consacré un dossier à ce sujet : Hao a du plomb dans l’aile.
La presse locale n’en a pas parlé, mais un magazine national, Le Journal de l’Environnement, rappelle que "si le projet a été officiellement autorisé par un arrêté du conseil des ministres polynésien publié le 6 avril au Journal officiel, l’étude d’impact ne précise pas ses conséquences sur le milieu lagunaire. Ses 394 pages ne visent que les installations terrestres, au motif que le grossissement des espèces sera confié, dans un deuxième temps, à des aquaculteurs polynésiens." L'article pointe aussi un certain nombre d’autres questions : “La croissance de 90 t de poissons installés dans une centaine d’écloseries et de nurseries nécessite le renouvellement quotidien de l’eau de mer chargée en effluents organiques (aliments non ingérés, excrétions métaboliques, matières fécales, voire des poissons morts). Par ailleurs, si le rapport présenté par Tahiti Nui Ocean Food indique qu’aucun antibiotique ni antifongique ne sera utilisé, la désinfection sera réalisée avec des nanoparticules* d’argent à la place de produits phytosanitaires. Problème: aucune étude n’est disponible sur les effets du nano-argent sur l’environnement marin, et plusieurs experts appellent à la vigilance, toxicité du composé sur plusieurs types de cellules, notamment du foie, ayant été démontrée in vitro.”
- Un vaste complexe aquacole suscite l’inquiétude en Polynésie (journaldelenvironnement.net)
* Nanoparticules: Quels risques pour la santé et l’environnement ? L’évaluation du rapport bénéfices/risques de l’usage des nanotechnologies est aujourd’hui complexe par manque de recul. Il existe cependant une suspicion vis-à-vis de cette technologie et de ses impacts sur la santé et l’environnement. Alimentation: les questions posées par les usages potentiels des nanotechnologies (vie-publique.fr)
Une autre région que la Polynésie se pose des problèmes semblables... À l’île Maurice, dans l'Océan Indien, une procédure (Aquaculture: échange de documents -lexpress.mu) est en cours concernant le projet Growfish dont la taille inquiète… Celui-ci est pourtant inférieur (30 000 à 40 000 tonnes de poissons/an) au projet sino-polynésien. Le contentieux entre Growfish et l’Association des restaurateurs et des hôteliers de l’île Maurice (AHRIM) est en particulier dû à la taille du projet que cette association considère trop important et qui aurait des effets négatifs sur l’écosystème et le tourisme.
En conclusion: Si un tel projet peut répondre à une problématique économique et être notamment pourvoyeur d’emplois la question environnementale doit être traitée avec rigueur.